Polluants organiques persistants dans les océans : une présence alarmante

Les Mailles Très Fines Du Filet Manta Collectent Les Microplastiques Pour Analyser Les Polluants Organiques Persistants Dans Les Océans..

Sur les 300 millions de tonnes de plastiques produites chaque année, 10 % finissent dans l’océan. Ceux-ci impactent gravement la faune marine, y compris les organismes destinés à notre propre consommation. Or, le plastique s’accompagne d’une pollution chimique. D’une part, du fait des substances nécessaires à sa fabrication. D’autre part, par sa capacité à adsorber — c’est-à-dire à fixer — des POP : polluants dits organiques, car composés de carbone, et persistants, car ils perdurent dans l’environnement. De nombreuses études ont relevé une grande hétérogénéité de ces polluants organiques persistants dans les océans, sans l’expliquer. Pour combler cette lacune, une équipe scientifique s’est penchée sur deux types de contaminants chimiques toxiques : les hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP) et les polychlorobiphényles (PCB). Les résultats portent sur les débris plastiques collectés dans deux milieux marins distincts : les eaux côtières du Cilacap en Indonésie et les eaux du large du gyre nord-atlantique. Décryptage.

Les POP : des contaminants chimiques toxiques en mer, véhiculés par le plastique

Le plastique est composé de macromolécules synthétiques – polymères fabriqués par l’homme – mélangées à des substances potentiellement nocives. Préjudiciable à la nature dès sa conception, il possède en outre la fâcheuse propriété de collecter les polluants organiques persistants (POP). Ces contaminants, qui proviennent essentiellement de l’activité humaine (pesticides, solvants, combustion des déchets et des forêts, production industrielle, etc.), ne se dégradent pas naturellement et peuvent subsister dans l’environnement pendant des décennies !

Les POP sont présents dans tous les milieux (air, sol, eau) et dans la chaîne alimentaire. Leur caractère hydrophobe les rend peu solubles dans l’eau et favorise leur capacité à s’adsorber sur les surfaces plastiques, quelle que soit leur taille. Ils peuvent ensuite se désorber – autrement dit se détacher – de leur support, au gré du temps et de leur transport dans le milieu aquatique. Parmi les polluants organiques persistants dans les océans se trouvent des HAP et des PCB.

HAP et PCB : des substances nocives inquiétantes

Les hydrocarbures aromatiques polycycliques

Les HAP représentent un groupe très vaste de composés organiques. Même s’il est possible de distinguer les HAP légers et les HAP lourds aux propriétés physico-chimiques très différentes, leur toxicité est reconnue. L’Agence de protection de l’environnement des États-Unis (EPA) a ainsi inscrit 16 HAP sur sa liste de substances prioritaires en raison de leur toxicité environnementale et sanitaire. Le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) a classé plusieurs d’entre eux cancérogènes et mutagènes. La formation des HAP peut être d’origine naturelle (feux de forêt, éruptions volcaniques), mais elle résulte surtout des activités humaines (transport routier, activité industrielle, chauffage, etc.).

Les polychlorobiphényles ou biphényles polychlorés

De la même façon que les HAP, ces substances organiques de synthèse sont considérées comme des polluants chimiques prioritaires, aussi bien aux USA qu’en Europe. Uniquement d’origine industrielle, les PCB ont principalement servi à la fabrication d’huiles de transformateur, de peintures, d’additifs, de pesticides, de revêtements. Malgré leur interdiction en France depuis 1987 et de nombreuses réglementations internationales visant à les éliminer, de fortes concentrations de PCB persistent dans l’environnement.

Polluants organiques persistants dans les océans : le cas de la côte de Cilacap en Indonésie

Les débris plastiques s’accumulent dans les côtes javanaises à partir de sources terrestres et maritimes : d’une part, à cause de l’écoulement des rivières et de la densité de population le long du littoral : d’autre part, en raison d’un trafic maritime intense (pêche, commerce, transport, loisirs). Les échantillons ont été récoltés à l’aide d’un filet Manta d’une maille de 300 microns (0,3 millimètre). Ce filet à plancton aux allures de raie Manta capture les plastiques de taille micro (1 à 5 mm) à macro (> 5 mm).

Les 146 fragments recueillis sont essentiellement des microplastiques de polyéthylène (PE) et de polypropylène (PP). De nombreux secteurs les utilisent : l’emballage, l’industrie automobile, pharmaceutique, textile et alimentaire. Seuls deux spécimens sont en polystyrène (PS).

Chacun des échantillons est contaminé et contient :

  • une dizaine de HAP plutôt légers et par conséquent plus solubles et volatils ;
  • une concentration élevée de PCB fortement chlorés pour la plupart, donc plus persistants dans l’environnement.

Le HAP le plus abondant est le naphtalène. On le retrouve surtout dans la fabrication de phtalates (plastifiants). Longtemps employé comme répulsif, l’Union européenne a interdit sa présence dans les insecticides depuis 2009. De plus, le CIRC l’a classé cancérogène possible pour l’homme.

La contamination chimique des débris plastiques du gyre de l’Atlantique Nord

Le gyre de l’Atlantique Nord est l’un des cinq gyres océaniques, grands tourbillons formés par les courants marins, où le plastique finit par s’accumuler. Armés d’une perche télescopique à bord du Guyavoile, le catamaran d’Expédition 7e continent, les membres de l’équipe ont collecté 15 macroplastiques : 9 polyéthylènes, 3 polyéthylènes téréphtalates (PET), 2 polystyrènes et 1 polychlorure de vinyle (PVC). Le PET sert à fabriquer des bouteilles, des fibres textiles, des films transparents et des emballages.

Les plastiques les plus abondants contiennent :

  • plusieurs HAP « inclassables quant à leur cancérogénicité sur l’homme » selon le CIRC ;
  • du naphtalène et du benzo(a)pyrène, reconnus cancérogènes.

La plupart servent notamment à la fabrication de teintures, de colorants, de résines et de produits pharmaceutiques. Quant au benzo(a)pyrène, on le trouve dans toutes sortes de fumées : gaz d’échappement, cigarettes, bois. Sa présence dans le gyre se révèle fort préoccupante étant donné que ce sont des eaux très éloignées de toute activité humaine. Les PCB sont faiblement chlorés pour la plupart, excepté dans les PET.

Une pollution variable selon la zone maritime et les différents polymères

Une contamination inégale, mais présente dans l’ensemble des océans

Quel est le point commun entre les deux secteurs maritimes étudiés ? Aucun débris plastique n’est épargné, tous sont contaminés ! Cependant, la concentration de POP diffère selon le type de polymère et le lieu d’échantillonnage : au large ou en zone côtière.

En effet, par rapport aux fragments du gyre de l’Atlantique Nord, ceux du littoral indonésien :

  • sont 150 fois plus pollués ;
  • présentent des concentrations de HAP 17 fois plus élevées et de PCB 300 fois supérieures ;
  • contiennent davantage de HAP légers et de PCB fortement chlorés.

L’on note aussi la présence inquiétante de deux PCB classés prioritaires par l’Union européenne dans les plastiques du gyre. Rien de bien rassurant !

Une propagation soumise à de multiples interactions

Pendant leur transport aquatique ou atmosphérique, les POP se dégradent ou se libèrent de leur support, entraînant leur diminution en pleine mer. Comment l’expliquer ? Plusieurs processus liés à leur temps de séjour dans l’eau et à leur affinité avec les différents polymères entrent en jeu :

  • les polluants, plus rares au large, contaminent moins les plastiques ;
  • l’exposition plus ou moins longue aux rayons du soleil altère la structure des polymères et de ce fait, l’interaction avec les HAP et les PCB ;
  • la taille microscopique des débris de la côte indonésienne est beaucoup plus favorable à l’adsorption des contaminants que les fragments macroscopiques du gyre ;
  • les courants marins érodent les plastiques et ôtent la couche contenant la plupart des POP.

Que retenir de tout cela ? Le constat est alarmant ! La pollution marine due au plastique est bien plus complexe et insidieuse qu’il n’y paraît. Dès son rejet en tant que déchet, toute une réaction en chaîne se met en place. En transportant les polluants organiques persistants dans tous les océans, même les plus éloignés de toute présence humaine, le plastique représente un danger d’ordre planétaire. En effet, la présence avérée de HAP et de PCB particulièrement toxiques menace sérieusement tout l’écosystème et tous les organismes vivants, nous y compris.

Source : Concentrations and fingerprints of PAHs and PCBs adsorbed onto marine plastic debris from the Indonesian Cilacap coast and theNorth Atlantic gyre

Article rédigé par Sandra Gonzalez au cours de la formation en rédaction web seo chez Formation Rédaction Web. La relecture scientifique a été réalisée par Valérie Pruneta, docteur en biochimie.

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